PAUL, Christopher (ca. 1825-?)
Biographie
Né vraisemblablement à Hull, dans le nord-est de l’Angleterre, en 1825 ou en 1828, Christopher Paul est de parenté inconnue et possiblement orphelin.
Jeune, il se destine à la vie de marin et entreprend son premier voyage à l’âge de 15 ou 16 ans.
En mai 1850, il arrive à Québec de Londres, à bord le navire Evergreen, dont le capitaine est Benjamin Pearson. Evergreen est à Québec pour charger une cargaison de bois, comme des centaines d’autres vaisseaux transatlantiques le font chaque année. Comme c’est également très fréquent à Québec, dix marins à bord de l’Evergreen, dont Paul, refusent de travailler, en prétextant qu’ils n’ont pas été payés. Ceci étant contraire aux contrats d’engagement qu’ils ont signés, le capitaine Pearson porte plainte devant la justice criminelle locale, qui est bien habituée à ces types de causes. Les dix marins sont arrêtés par la police et amenés devant le magistrat de police, William King McCord. McCord condamne trois d’entre eux à vingt jours de prison, tandis que les autres, dont Paul, acceptent de retourner au travail. La journée suivante, toutefois, Paul et un autre marin, Patrick Lynes, refusent encore de travailler. Pearson les fait arrêter de nouveau et ils sont amenés devant King. Puisqu’il s’agit de leur deuxième offense, il les condamne à quarante jours de prison.
Jusque là, rien d’extraordinaire dans cette histoire, qui est très semblable à celle de milliers d’autres marins condamnés pour des ruptures de contrat et incarcérés dans la prison de Québec. Toutefois, une fois en prison, Paul se trouve incarcéré dans l’une des anciennes cellules utilisées jadis pour les prisonniers condamnés à mort. Il s’agit peut-être d’une punition pour désobéissance des règles de la prison ou encore, d’une mesure temporaire pour palier au surpeuplement dont souffre la prison pendant la saison de navigation. Qu’importe la raison, Paul prend le soin de graver une inscription élégante dans le plancher de sa cellule sombre et humide:
Paul Hull 40 days
from Evergreen
Whitby
Ce graffiti, qui a survécu jusqu’à nos jours, est une trace très tangible de cette vie autrement perdue dans le flot, la seule de cette nature et de cette époque que l’on connaît à Québec. Plus de 150 ans plus tard, il permet à Christopher Paul de sortir de l’obscurité de l’histoire.
En fin de compte, Paul ne purge pas l’entièreté de sa peine. Après un mois, il est libéré, juste à temps pour rejoindre Evergreen sur son voyage de retour à Londres. Il est probable que ce soit le capitaine Pearson qui a demandé sa libération, pour ne pas perdre ses services. Le port de Québec souffre d’une grande pénurie de main-d’œuvre et certains capitaines de vaisseau vont jusqu’à débaucher les marins d’autres navires. Deux des confrères de Paul, également marins d’Evergreen, sont plus chanceux que lui : ils s’évadent de la prison et ne sont jamais repris.
Des mystères entourent encore la vie de Paul. Dans le registre de la prison, il est décrit comme étant né au Bas-Canada, en 1824 ou 1825 et on trouve la même information dans un permis de marin à son nom émis en Angleterre en 1846. Il s’agit vraisemblablement d’une tentative de cacher son identité, car dans un autre permis émis à son nom en 1845, avec une description physique très semblable, il est décrit comme étant né à Hull en 1828. Et pourquoi y aurait-il inscrit le nom de Whitby, un autre port pas loin de sa ville natale de Hull ?
En 1851, Paul est de retour en Angleterre et habite Sunderland, une autre ville portuaire du nord-est de l’Angleterre. Il entreprend au moins un autre voyage en 1855. On perd sa trace par la suite.
La date de décès de Christopher Paul est inconnue.
– Donald Fyson, juin 2015
Images associées au personnage
Graffiti de Christopher Paul dans le plancher d’une des cellules de la prison commune de Québec.
Photo: Morrin Centre
Documents bibliographiques
Études
- FYSON, Donald. «Prisoners’ Graffiti, Quebec City Common Gaol» (2013). The Identity of English-speaking Quebec in 100 Objects <http://100objects.qahn.org./content/prisoners-graffiti-quebec-city-common-gaol>.
- FYSON, Donald. «Réforme des prisons et société carcérale: la prison de Québec, de 1812 à 1867». Dans Louisa BLAIR, Patrick DONOVAN et Donald FYSON, Des barreaux de fer aux étagères: une histoire du Morrin Centre (Québec, Septentrion, 2015) (à paraitre).
Sources
- Bibliothèque et Archives nationales du Québec, «Le fichier des prisonniers des prisons de Québec au 19e siècle», <http://www.banq.qc.ca/archives/genealogie_histoire_familiale/ressources/bd/instr_prisons/prisonniers/index.html> (transcription des registres de la prison commune de Québec, BAnQ-Q E17,S1).
- Bibliothèque et Archives nationales du Québec, TL31,S1,SS1 #s 94399, 94400, 96041 et 96042.