MEEHAN, John (1841-1864)
Biographie
Né le 9 août 1841 à Ste-Catherine-de-Fossambault, John Meehan est le fils de James Meehan, cultivateur, et de Catherine Mulcair, tous deux des catholiques d’origine irlandaise.
Après le décès de James Meehan, la famille vend ses terres et s’établit à Québec. John Meehan devient charretier.
La famille Meehan ne s’entendait pas avec une autre famille de Ste-Catherine, les Pearl, avec qui ils sont pourtant apparentés. Le 11 septembre 1863, Meehan rencontre Patrick Pearl, âgé de 16 ans, à la taverne de Michael Lawlor, rue Saint-Vallier, dans le faubourg Saint-Roch. Pearl est venu en ville avec son père. Après s’être échangés des paroles, Meehan et Pearl sortent et commencent à se battre. Plus fort que Pearl, Meehan le terrasse et saute sur sa poitrine. En même temps, le charretier James Crotty, un ami de Meehan, frappe Pearl avec la manche de son fouet. Pearl se relève, mais meurt peu après; Meehan et Crotty s’enfuient. Meehan est arrêté le même jour et incarcéré dans la prison de Québec, accusé de meurtre. Crotty est capturé quatre jours plus tard.
Meehan subit son procès devant la Cour du banc de la reine en février 1864. Après cinq jours de témoignages, le jury le trouve coupable de meurtre et le juge Charles Mondelet le condamne à mort. Le jury avait également fortement recommandé Meehan à la merci de la cour, en pensant lui éviter la peine capitale, mais légalement, Mondelet était obligé de l’imposer.
Depuis 1836, il n’y a pas eu de pendaisons de civils à Québec. Plusieurs personnes ont été condamnées à mort, mais toutes ont été graciées suite à des demandes de pardon envoyées au gouverneur. Des pétitions sont donc montées en faveur de Meehan, signées par le maire et les conseillers municipaux de Québec, des membres du parlement, et des milliers de citoyens. Les pétitions sont envoyées au gouverneur, Lord Monck, mais à la surprise de tous, elles sont rejetées. De fait, Monck suivait la recommandation du procureur général, Antoine-Aimé Dorion, chef des Rouges, contre la grâce. Les pétitionnaires poursuivent leurs efforts, mais sans succès.
En attendant la journée fatidique, Meehan est placé seul dans une cellule à part. Les gardes veillent jour et nuit à ce qu’il ne se suicide pas. Meehan est souvent visité par sa famille et par des religieuses et des membres du clergé. Son coaccusé, James Crotty, encore en attente de son propre procès, lui rend également visite.
Le 22 mars, Meehan reçoit sa famille dans sa cellule pour la dernière fois. Il est ensuite amené dans une petite salle au-dessus de la porte principale de la prison, d’où il sort directement sur l’échafaud temporaire. Une immense foule, entre 5000 et 8000 personnes selon les journaux, s’est rassemblée sur la petite place. Les spectateurs vont jusqu’à grimper dans les arbres et sur les toits des bâtiments autour. Une palissade cache le bas de la scène, pour que le public puisse voir Meehan tomber, mais non pas ses agonies. Des journalistes installés dans des chambres de la prison en haut de la scène sont toutefois en mesure de tout voir et le rapportent en détail dans leurs colonnes. Meehan s’adresse à la foule, en anglais et ensuite en français. Comme dans la plupart des discours de condamnés rapportés dans les journaux, il met en garde les spectateurs contre son mauvais exemple. En même temps, il se défend d’avoir voulu tuer Patrick Pearl.
Quand les bourreaux ouvrent la trappe et Meehan tombe, la foule se précipite vers la palissade, mais elle est repoussée par les gardes de la prison. D’autres songent momentanément à rejoindre la résidence du gouverneur. Des éditeurs avides font vite publier des brochures décrivant le procès et l’exécution. Le célèbre poète de rue Grosperrin circule même la « Complainte du condamné », une chanson aux paroles lugubres. Il s’agit de la dernière pendaison publique à Québec et marque les esprits pendant longtemps.
John Meehan est inhumé deux jours après son exécution, dans le cimetière Saint-Charles.
– Donald Fyson, juin 2015
Images
Documents bibliographiques
Études
- BIZIER, Hélène-Andrée. Crimes et châtiments: la petite histoire du crime au Québec. Montréal, Libre Expression, 1982. 2 v.
- FYSON, Donald. «Réforme des prisons et société carcérale: la prison de Québec, de 1812 à 1867». Dans Louisa BLAIR, Patrick DONOVAN et Donald FYSON, Des barreaux de fer aux étagères: une histoire du Morrin Centre (Québec, Septentrion, 2015) (à paraitre).
- LAPOINTE, Vicky. «La dernière pendaison publique à Québec [1864]» (2015). <https://tolkien2008.wordpress.com/2015/03/20/la-derniere-pendaison-publique-a-quebec-1864/>
Sources
- Bibliothèque et Archives Canada, RG4 C1, vol. 552, dossier 500 <http://heritage.canadiana.ca/view/oocihm.lac_reel_h2782/669>
- Bibliothèque et Archives nationales du Québec, «Le fichier des prisonniers des prisons de Québec au 19e siècle», <http://www.banq.qc.ca/archives/genealogie_histoire_familiale/ressources/bd/instr_prisons/prisonniers/index.html> (transcription des registres de la prison commune de Québec, BAnQ-Q E17,S1)
- Exécution de John Meehan. Québec, Le Canadien, 1864. <https://archive.org/details/cihm_23191>
- Morning Chronicle, 8 à 13 février et 23 mars 1864.
- Procès de Meehan, accusé du meurtre de Pearl, condamné à être pendu le 22 mars prochain. Québec, L.P. Normand, 1864. <https://archive.org/details/cihm_94726>