JOHNSON, Susannah Willard (1730-1810)
Biographie
Née à Lunenburg, Massachusetts, le 20 février 1730, Susannah Johnson (née Willard) est la fille de Moses Willard Sr. et de Susanna Hastings. Ses ancêtres font partie de l’élite des premiers colons puritains de la Nouvelle-Angleterre.
Comme tant de colons américains, la vie de Johnson est bouleversée par les rivalités impériales. Depuis 1749, elle habite avec son mari, James Johnson, à Charlestown (Fort No. 4), au New Hampshire. Le 30 août 1754, Johnson, James, son fils Sylvanus, ses deux filles Susanna et Polly, sa sœur et deux voisins sont enlevés par des Abénaquis. On est à peine trois mois après le début du conflit qui deviendra en Europe la Guerre de Sept ans. Johnson est enceinte et, la journée suivante, donne naissance à une fille, qu’elle nomme Captive.
Les captifs sont amenés au village abénaquis de Saint-François-du-Lac. La famille est séparée. James et les deux filles ainées sont envoyés à Montréal pour être rançonnés. Sylvanus est adopté par une famille abénaquise qui part à la chasse. Susannah et Captive sont également adoptés, par les Gill, mais ensuite amenées à Montréal et rançonnées au marchand René de Couagne. Les Johnson sont d’abord bien reçus par la haute société montréalaise. James peut même voyager au Massachusetts afin de lever des fonds pour rembourser de Couagne et libérer sa famille. Mais en juillet 1755, suite à une mésentente avec de Couagne et l’officier La Corne Saint-Luc, James est emprisonné, puis tous sauf la fille Susanna sont envoyés à Québec.
À Québec, Susannah Johnson et sa famille sont enfermés dans la prison à côté du Palais de l’intendant. Ils sont d’abord dans la partie criminelle de la prison, dans des conditions assez difficiles, puis mieux logés dans la partie civile, avec accès à la cour et la permission de faire des sorties en ville pour s’approvisionner.
À l’automne 1757, après plus de deux ans, tous sauf James sont libérés lors d’un échange de prisonniers. Ils sont d’abord envoyés en Angleterre, mais reviennent en Amérique du Nord et sont réunis avec James, qui a été libéré depuis.
La famille Johnson est fortement touchée par leur captivité. James meurt en juillet 1758 lors de la bataille de Ticonderoga. Sylvanus reste avec sa famille adoptive abénaquise jusqu’à l’automne 1759; à son retour, il ne parle plus l’anglais. Enfin, la fille ainée, Susanna, reste à Montréal, dans une famille canadienne et catholique, jusqu’en septembre 1760; à son retour, elle ne parle que le français.
Susannah se rétablit au New Hampshire et se remarie. Quatre décennies après son épreuve, vers la fin de sa vie, Johnson participe à la rédaction d’un récit de sa captivité. Bien que le texte lui soit souvent attribué, l’auteur principal est plutôt l’avocat John Curtis Chamberlain. Le récit est publié en 1796, sous le titre A Narrative of the Captivity of Mrs. Johnson Containing An Account of Her Sufferings During Four Years, with the Indians and French. Il fait partie du genre très populaire de récits de captivité. Il s’en distingue en évitant le sensationnalisme, tout en étant teint de considérations politiques comme la critique forte des deux puissances impériales. Johnson brosse un portrait sympathique de la culture de ses capteurs abénaquis, mais dénonce les autorités françaises et des Canadiens comme La Corne, tenus responsables de leur emprisonnement. Le récit de « Mrs Johnson » est réédité à neuf reprises pendant le demi-siècle qui suit sa première publication. L’édition la plus complète et la plus fiable est celle de 1807, la dernière à laquelle Johnson a elle-même contribué. Le livre fournit des renseignements précieux sur le vécu des captifs de guerre américains au sein des alliés autochtones de la France et au Canada.
Susannah Johnson est décédée le 27 novembre 1810, à Langdon, New Hampshire.
Elle avait épousé James Johnson à Lunenburg, Massachusetts, le 15 juin 1747. Le couple a sept enfants. Elle se remarie avec John Hastings Jr. en 1762; ce couple a également sept enfants.
– Donald Fyson, juin 2015
Bibliographie
Études
- CARROLL, Lorrayne. «”Affecting History”: Impersonating Women in the Early Republic». Early American Literature 39(3)(2004), p. 511-552.
- FYSON, Donald. «Réforme des prisons et société carcérale: la prison de Québec, de 1812 à 1867». Dans Louisa BLAIR, Patrick DONOVAN et Donald FYSON, Des barreaux de fer aux étagères: une histoire du Morrin Centre (Québec, Septentrion, 2015) (à paraitre).
- GRAY, Colleen Allyn. «Captives in Canada, 1744-1763». Mémoire de maîtrise, Université McGill, 1993. <http://digitool.Library.McGill.CA:80/R/-?func=dbin-jump-full&object_id=69625&silo_library=GEN01>
- HOLLAND, Jeanne. «Johnson, Susannah Willard (1729-1810)». Dans Cathy N. DAVIDSON et Linda WAGNER-MARTIN, dirs., The Oxford Companion to Women’s Writing in the United States (New York: Oxford University Press, 1995), p. 448.
- MOUSSETTE, Marcel. Le site du Palais de l’intendant à Québec: genèse et structuration d’un lieu urbain. Sillery, Septentrion.
- OTT-KIMMEL, Amy Kristen. «”A Narrative of the Captivity of Mrs. Johnson”: An Edition». Thèse de doctorat, University of Delaware, 2001.
- SAUNDERSON, Henry H. History of Charlestown, New-Hampshire, the Old No. 4. Claremont, Claremont Manufacturing Co., 1876. <https://archive.org/details/historyofcharles00saun_0>
Sources
- JOHNSON (Mrs). A Narrative of the Captivity of Mrs. Johnson Containing An Account of Her Sufferings During Four Years, with the Indians and French. 2e éd. Windsor, Alden Spooner, 1807. <https://archive.org/details/cihm_41351>
- JOHNSON, Susannah Willard. Récit d’une captive en Nouvelle-France, 1754-1760. Traduit et annoté par Louis TARDIVEL. Sillery, Septentrion, 2003.