Ian Bussières, Le Soleil
(Québec) Alors qu’elle-même ignorait jusqu’à récemment que son père, le producteur de cinéma Harry Saltzman, était né au Québec, Hilary Saltzman souhaite maintenant que le travail de celui qui a produit neuf films de la série James Bond et qui est responsable de la venue de l’agent 007 au cinéma soit enfin reconnu.
«De son vivant, il n’a jamais été reconnu pour son travail. Par contre, il a toujours été fier d’être Canadien et j’aimerais beaucoup qu’il ait son étoile sur l’Allée des célébrités canadiennes, à Toronto», expliquait Mme Saltzman dimanche, à la suite de la première canadienne du documentaire Everything or Nothing: The Untold Story of 007 de Stevan Riley au Morrin Centre.
Il faut dire que la productrice de films qui réside à Stoneham depuis 2003, ayant eu le coup de foudre pour la capitale après y avoir visité une amie, ne cesse depuis ce temps d’apprendre des choses au sujet de son paternel, décédé en 1994.
«Quand je me suis installée à Québec, je ne savais pas qu’en fait, je rentrais à la maison!» illustre celle qui avait toute sa vie cru que son père, qui parlait toujours français à son domicile, avait vu le jour à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.
«C’est quand j’ai voulu renouveler mon passeport canadien que j’ai dû retracer le certificat de naissance de mon père et d’autres documents. Ça m’a pris deux ans et demi après mon déménagement à Québec. Mais à travers ces recherches, j’ai découvert que mon père était en fait né à Sherbrooke», explique-t-elle.
Brillant, mais… gaucher!
Hilary Saltzman se souvient de son père comme d’un homme brillant, même s’il avait quitté l’école à l’âge de 15 ans. «Il a grandi à Sherbrooke dans les années 20 mais, malheureusement pour lui, il était gaucher, ce qui était très mal vu à l’époque. On associait ça au mal. On ne lui permettait donc pas de se servir de sa main gauche et, à cause de ça, il a échoué à l’école.»
Le jeune Harry Saltzman s’est ensuite joint à un cirque avec lequel il a voyagé pendant quelques années avant de s’enrôler dans l’aviation canadienne, où il a servi durant la Seconde Guerre mondiale. «Il a obtenu une décharge honorable de l’armée canadienne, mais j’ai plus tard su qu’il avait ensuite travaillé pour le gouvernement américain, plus précisément dans l’Office of Secret Services [OSS], notamment les opérations clandestines [black ops] et la guerre psychologique», raconte sa fille.
Celui qui allait plus tard porter James Bond au grand écran avait donc lui-même été agent secret! «J’ai l’impression que pour lui, les films James Bond étaient une façon de présenter le travail d’agent secret sans dévoiler les secrets qu’il connaissait», souligne Hilary Saltzman, en précisant que son père avait toujours refusé de parler à quiconque du travail qu’il faisait durant la seconde grande guerre.
Hilary Saltzman a également appris que c’est durant la Seconde Guerre mondiale que son père aurait côtoyé pour la première fois un autre agent secret qui allait aussi devenir célèbre plus tard: Ian Fleming, auteur des romans de la série James Bond. «Je n’ai pas de preuve tangible, mais je me suis fait confirmer par des gens sérieux que mon père et Ian Fleming s’étaient rencontrés durant la guerre.»
Cette rencontre explique d’ailleurs peut-être pourquoi c’est à Saltzman que Fleming a finalement vendu les droits cinématographiques de son célèbre agent secret une vingtaine d’années plus tard. Le reste appartient à la légende : Saltzman a fondé la compagnie EON Production (pour Everything or Nothing) avec Albert R. Broccoli, qui produit encore aujourd’hui les films de James Bond.
Ayant pratiquement été élevée sur les plateaux de tournage et ayant connu personnellement les six comédiens – Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan et Daniel Craig – qui ont personnifié Bond au cinéma, Hilary Saltzman refuse de dire lequel elle préfère.
Elle confie toutefois avoir un faible pour le film Bons baisers de Russie, pas tant pour la performance de Sean Connery que pour la participation éclair que sa mère Jacqueline y fait alors qu’elle est enceinte d’elle. «Alors oui, on peut dire qu’en quelque sorte, j’ai joué dans ce film!» conclut-elle avec le sourire.